Sinaia by night
Il y a une catégorie à part de bourgs de province dont la vie se rattache surtout aux étrangers. C’est à eux de donner un nouveau souffle à toutes ces villes qui vivent grâce au tourisme, cette véritable industrie qui accélère ou ralentit, selon la saison, le rythme de l’existence des habitants de ces stations. Assez bavarder, Ioana, le mieux serait d’examiner aujourd’hui le cas de Sinaia, célèbre station à la montagne dans la vallée de la Prahova, dans le centre du pays.
En hors-saison, toute la ville de Sinaia respire soulagée, en remarquant pourtant d’un oeil inquiet une légère baisse de l’économie. Mais, c’est comme cela: on ne peut pas tout avoir! Argent et tourisme, cela rime! Sinon, tout ce que l’on peut faire, c’est de sortir samedi soir, dans un resto de lux pour faire la fête entre nous,les habitants. Pas de théâtre, pas de casino, ouvert uniquement pendant la saison, on n’a pas de choix: va pour le restaurant qui devient en automne un véritable noyau de la société: ici se font et défont les affaires, ici on peut s’afficher à l’aise avec les maîtresses, ici on joue aux cartes, on rit, on boit et on s’amuse.
Regardez-les bien! La plupart d’entre eux se connaissent très bien, ils sont copains ou pas, ils sont voisins ou pas, l’important c’est qu’à la tombée de la nuit, ils ont tous le même but: sortir au restaurant pour tenter une chance de s’amuser. L’orchestre- un synthétiseur et une guitare- joue une musique de café-concert en guettant le public à la recherche d’un imprésario. La soliste - voix faible, cheveux blonds, maquillages bariolés, la trentaine sonnée - vêtue de voiles transparents, remercie le public avant que celui-ci n’aplaudisse. La danseuse, elle, au corps recouvert d’un enduit brillant est parée d’un florilège de perles en plastiques comme un véritable sapin de Noël. La créatrice de mode de Sinaia a fait des couloirs du restos de véritables podiums pour ses mannequins, des lycéennes pour la plupart, qui imitent aux gestes maladroits les défilés télévisés. Les pauvres gamines perdent toute la fraîcheur de leur âge sous des kilos de dantelles, velours et maquillages. Elles se baladent parmi les clients du restaurant tout en rêvant du jour où elles ne se feront plus bousculer par les barmans entre le onzième et le douzième pas. Ou bien qu’elles ne seront plus obligées de vendre des billets à la tombola locale où un client gagnerait une blouse qui ne lui servirait à rien. Est-ce ce défilé une méthode d’attirer l’attention des clients sur les vêtements ou bien sur les beautés locales? Personne ne le sait.
A la table de l’orchestre, Gigi le Japonais, le ménétrier local, attend impatiemment de faire son entrée en scène. On ne saurait pas dire si sa rénommée se rattache à la façon dont il maîtrise l’accordéon ou bien à celle dont il rend toute sorte de services aux clients. Mais, c’est bien Gigi qui a toujours le dernier mot. Il est l’âme des fêtes, il fait pleurer et rire tout le monde, et il soupire en empochant un pourboire de 50 mille lei au lieu de 100 mille en grondant doucement: "Alors, c’est tout ce que je mérite moi?" Il s’en va en faisant un grand tapage pour se réfugier dans une petite piole près de la cuisine, à compter ses sous près de la soliste et de la danseuse. Mais, on est en novembre et l’hiver approche à grands pas, tout comme les touristes avec de l’argent dans les poches. Il avait raison Gigi le Japonais de se scandalisait pour 50 mille lei.
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