Romanianstories

Wednesday, September 06, 2006

Ada-Kaleh, La cité disparue sous les eaux

Cette petite ville roumaine n’existe plus. C’était, en fait, un îlot, qui allaît disparaître sous les eaux du Danube, parce qu’encombrante pour les travaux de construction du grand barrage des Portes de Fer. Préparons -nous donc pour un voyage fantastique sur l’ancienne île d’Ada- Kaleh , jadis une" immense corbeille flottante remplie de fleurs ". Il est temps d’amarrer le vaisseau imaginaire qui nous y a amènés. Ca y est!
En 1716, cette petite ville était mentionnée dans toutes les cartes sous le nom de Carolina. Conquise et dominée tantôt par les Turcs, tantôt par les Austro-Hongrois, en raison de sa position stratégique, la ville allait cependant cesser de susciter de l’intérêt vers la fin du XIX-ème siècle. Construite par les Autrichiens sur le modèle européen le plus moderne à l’époque, à savoir le style Vauban, la cité était sillonnée de ruelles étroites et flanquée de tours de défense. Puisqu’elle était conçue comme un bastion, la ville n’avait pas été prévue de quartiers résidentiels. C’est ce qui explique le fait qu’au XIX-ème siècle, quand la cité se verrait de nouveau conquise par les Turcs, ses quelque 600 habitants ne trouveèrent d’autre abri que les catacombes. Au début, elle était peuplée par les seuls mercenaires amenés de tous les coins de l’empire ottoman: Arabes, Turcs, Perses, Kurdes. Passé les temps des guerres, la fonction militaire tomba en désuétude. Les anciens militaires se mirent alors à se faire bâtir de petites maison basses, à se fonder des foyers et à monter de menues affaires. Petit à petit, les soldats d’antan se transformèrent en pêcheurs, en constructeurs de barques, en pâtissiers ou en marchands de tabac.
Un des bâtiments les plus imposants de la cité, la Mosquée, avait appartenu, dans un premier temps, aux religieux de l’ordre des Franciscains. Ce n’était, au début, qu’une simple église, à laquelle, en 1839, les occupants turcs allaient ajouter un minaret. Cette mosquée abritait les dépouilles mortelles de Mischin Baba, considéré comme un saint auquel on attribuait maints miracles. Après la chute de l’empire ottoman et l’avènement de Kemal Ataturk, la Turquie s’et vue définitivement perdre toute influence sur ses pachaliks éloignés. En 1922, la population de l’île d’Ada-Kaleh demandait , à travers un plébiscite, de passer sous l’administrayion de l’Etat roumain, en échange d’un privilège royal accordé par le roi Carol II.Conscient des immenses avantages représentés par l’exemption du paiement des taxes pour les importations, Ali Kadri, batelier de son état, fonda la société par actions Musulmana. Peu de temps après, touts les produits qui faisaient la renommée de l’île allaient porter la marque Ali Kadri-Ada Kaleh: sucreries, tabac, café, confiture de roses, figues, bosan, voire même embarcations pour les touristes... Trop âgés pour pouvoir encore ramer, les vieux Turcs faisaient toujours partie du décor, d’une manière insolite. Se tenant au bord de la rue, ils fumaient tranquillement leurs narguilés dorés. Les jeunes, eux, travaillaient à la Société Musulmana, tandis que leurs femmes passaient leur temps à la mison à broder ou à préparer les confitures déjà fameuses ... La fortune qu’il ramassa en un rien de temps permit à Ali Kadri de se faire dresser un palais vraiement majestueux en comparaison avec les maisonnettes modestes de l’île. Ce qui plus est, le "sultan" d’Ada-Kaleh, comme il était surnommé, avait renoncé à ses larges culottes mauresques en faveur des complets commandés à Paris. Quand il ne donnait pas de banquets, Ali Kadri menait des affaires retentissantes. Une époque de gloire à laquelle la nationalisation imposée par les communisme allait couper court.
La construction du barrage des Portes de Fer, démarrée vers la fin des années ’60, nécessitait un immense lac de retenue. Et puisqu’on décida de faire sombrer l’île d’Ada-Kaleh, ses habitants se virent offrir deux alternatives: ou bien émigrer en Turquie, ou bien s’établir n’importe où ailleurs en Roumanie,dans tous les deux cas bénéficiant de dédommagements. Si une partie de la cité et la mosquée furent sauvegardées grâce à leur transfert sur île Simian, la communauté d’Ada-Kaleh, elle, ne parvint plus jamais à renaître. C’est que la plupart des anciens habitants préférèrent partir pour la Turquie. A Orsova ou à Drobeta Severin, villes roumaines situées à proximité de l’ île, on peut rencontrer toujours quelques vieux marchands de sucreries , de tabac ou bien des cafetiers s’acharnant à perpétuer la tradition du café préparé à la turque, à même le sable. Disparue à tout jamais de la carte, l’île d’Ada- Kaleh continue cependant de vivre dans la mémoire des gens, avec ses ruelles exiguës, traversées à petits pas pressés par les femmes aux visages cachés derrière leurs tcharchafs.

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